Je ne peux m'empécher de reproduire ici cet article sur Wild Bill Hickok paru dans la "Chronique du BM" et signé d'A. de Maigret:
Pour rester vivant dans l’Ouest américain, vous aviez besoin de deux choses : un bon cheval et un pistolet !
James Butler Hickok avait un bon cheval, Black Nell.
James Butler Hickok avait deux pistolets Colt 44 aux crosses de perle (nacre ndp).
Galopades et pétarades scandent donc la vie de « Wild Bill », tel qu’on le nomme, figure légendaire du justicier dans le monde impitoyable du Far West où la loi, peinant à suivre la ruée des chercheurs d’or vers l’Ouest, s’exécute à coup de révolver.
Quand la poudre noire blanchit la poudre jaune : voici l’histoire de l’homme qui tirait plus vite que son ombre…
James Butler Hickok naît le 27 mai 1837, dans une ferme de l’Illinois où on l’éduque au sens de la justice : son père soutient un réseau clandestin de Quakers qui œuvre à la libération des esclaves, et cela bien avant la guerre de Sécession. Très tôt déjà le jeune James manifeste un sens aigu de l’équité en s’interposant lorsque des bandes rivales s’en prennent à ses frères aînés et amis, il condamne les oppresseurs et défend les opprimés… donnant raison à son futur surnom de « Lawman ». Excellent tireur, intrépide et courageux, avide d’aventures, le jeune homme au caractère solitaire quitte l’exploitation familiale pour vivre sa propre destinée après la mort de son père.
Il devient conducteur de voitures à cheval le long du canal Illinois et Michigan avant d’entrer dans l’armée, en 1857, aux côtés du général Jim Lane, illustre acteur des Bleeding Kansas pro-abolitionnistes, comme éclaireur puis garde du corps. Son ralliement aux Kansas Free Staters et son élection comme officier ne semble pourtant pas l’occuper à plein temps, si bien qu’il travaille à ses heures perdues dans des fermes locales. Ayant eu vent des inquiétudes de sa mère bien-aimée quant à son comportement, James écrit à son frère en août 1858, pour l’assurer que depuis deux ans « il n’a pas plus bu que joué » ! Les historiens pourtant ne corroborent pas cette version…
Chemin faisant, au gré de règlements de compte plus ou moins légaux, le « redresseur de tort » avance vers l’Ouest et assied sa réputation de héros qui lui vaut le surnom de « Wild Bill » ! D’aucuns racontent que James se serait battu et aurait triomphé d’un grizzli à mains nues !
La guerre civile éclate en 1861 et Hickok se distingue à nouveau par ses exploits de guerre, même s’il avoue à son frère dans une lettre « avoir tremblé pour la première fois sous le feu ». Il devient Shérif à Fort Riley, tâche dont il s’acquitte rapidement pour rejoindre à nouveau l’armée en tant qu’éclaireur, car sa renommée de « Gunfighter » le devance, et cela lui vaut sa rencontre avec Dave Tuttt, l’une de ses futures victimes.
Parmi les anecdote notables, relatons celle de Rock Creek où trois hommes du gang des « Desperados », déjà ivres, débarquent au saloon à la suite d’un certain Mac Canles et se permettent de railler l’accoutrement et le… nez de James ! L’affaire se résout en trois coups de feu et trois cadavres… Le quatrième acolyte ayant simplement perdu son menton dans la fusillade… Le « Prince du pistolet » est acquitté pour légitime défense. Que justice soit faite ! Se moque-t-on d’un nez tout de même ? Même au Far West, même si ce nez « C'est un roc !... C'est un pic !... C'est un cap !... Que dis-je, c'est un cap ?... C'est une péninsule ! […] A la fin de l’envoi, [il] touche ! »*
Moins poétique, certes, mais plus efficace : dégainer vaut mieux qu’une longue plaidoirie à la Cyrano de Bergerac… Hickok se remet tout juste de l’injure et de ses blessures – car bien qu’il ait touché, il a été touché – qu’éclate la guerre civile en 1861 et James, engagé dans l’armée de l’Union, se distingue encore…
La réputation de « bad boy » est acquise, mais Hickok se place toujours du côté de la loi. C’est donc un « gentil » mauvais garçon, un « Lawman » comme on aime à l’appeler. Marchant toujours de l’avant, guerre ou non guerre, James, chemine, laissant les cadavres derrière lui… et acquiert une renommée formidable. Le voilà Shérif par-ci, Marshall par-là, quittant les lieux lorsque sa vision balistique de la justice atteint les limites de l’acceptable !
Parmi les feuilletons notables, Wild Bill doit quitter la commune de Hays City dans le Kansas, après avoir descendu trois des soldats de Tom Custer, redoutant la revanche sanguinolente du frère du héros de Little Big Horn (cf. lettre du 25/06/2010). Ce fait en soi anecdotique est en fait le quotidien de « Gunfighter »… L’homme de loi fait justice à sa façon, en refroidissant à tout jamais ses adversaires. Le justicier aux moustaches gauloises et à la crinière noire ne fait pas l’unanimité… surtout dans les tripots où il passe grande partie de son temps libre, en compagnie notamment du vétéran de la guerre, Dave Tutt.
L’histoire reste sombre : dette de jeu ? Triangulaire amoureuse ? Ce qui est certain, c’est que la partie de poker du 20 juillet 1865 tourne mal au Lyon House Hotel de Springfield, Missouri.
Tutt est bien décidé à ruiner Hickok, mais celui-ci a la main chanceuse, il empoche deux-cents dollars, c’est-à-dire la totalité de la mise ! Tutt furieux réclame à son ancien ami une redevance de quarante dollars pour la vente d’un cheval. Wild Bill s’exécute sur le champ et le rembourse.
Tutt parle alors d’une dette de jeu de trente-cinq dollars. Hickok reconnait en devoir vingt-cinq dollars mais pas un de plus. Dave Tutt s’empare de la montre de son adversaire lui promettant de lui rendre lorsqu’il aura récupéré ses trente-cinq dollars. James le somme en le menaçant de ne pas porter la montre, ce que le vaincu s’engage à faire dès le lendemain.
Le 21 juillet, James sort de son hôtel et tombe sur Dave à quelques 70 mètres de lui.
- « Je t’avais prévenu de ne pas porter cette montre en public ! »
Dave dégaine son révolver, Gunfighter riposte aussi vite avec un Colt Dragoon 44 calé en appui sur son bras. La balle de Dave passe au-dessus de la tête de Bill, celle de Bill atteint mortellement Dave. Comme l’aurait dit Wyatt Earp : « Tirer vite c’est bien, mais tirer juste c’est tout ! ».
L’homme de loi se rend au shérif mais il est acquitté à l’issue du procès sur le fondement « du doute raisonnable de la légitime défense ».
Cette scène historique de duel dans le carré public a tant marqué les esprits de l’époque qu’elle a inspiré les scénaristes, et qu’il est rare de pas en trouver une adaptation dans les westerns.
Pendant quelques mois entre 1872 et 1873, Hickok se produit en public dans le spectacle ambulant à la gloire du Far West de « Wild West Show » de son ami Will Cody, alias Buffalo Bill, avant de partir pour Cheyenne, Wyoming, à la recherche d’or. Il continue sa route avec son amie et future femme, Calamity Jane, rongé par la crainte de la vengeance des familles des cadavres qu’il a semés tout au long de sa longue route.
Le 2 août 1876, Wild Bill joue au poker au Carl Mann’s saloon de Deadwood, ville dont il a porté l’étoile fut un temps, dos à la porte. Entre un homme, Jack Mc Call, il observe le joueur et dégaine un révolver calibre 45, tire à bout portant dans la tête de sa cible… qui s’écroule et laisse tomber ses cartes : As de pique, As de trèfle, 8 de pique, 8 de trèfle et une carte de carreau… Combinaison que l’on connaît désormais sous le nom de « la main de l’homme mort ».
Mc Call est pendu et James Butler Hickok enterré avec l’épitaphe « Un homme brave, victime d’un assassin ». Charlie Utter, vieil ami du défunt fait ajouter « Vieux copain, nous nous retrouverons dans les heureuses terres de chasse pour ne plus jamais nous séparer. Au revoir ».
En 1900, Martha Jane Cannary, épouse Hickok, plus connue sous le nom de Calamity Jane se fait photographier devant la tombe et demande à être enterrée auprès de l'homme qu’elle a aimé, ce qui fut fait trois ans plus tard. Avant de rendre l’âme la « Reine des Plaines » se demandait s’il y « aurait seulement quelqu’un pour porter un cactus sur sa tombe ? ». Si votre route vous mène au cimetière de Deadwood, pensez-y…
A. de Maigret
*Tirade du nez de Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand (1897).
Wild Bill tel qu'à l'époque...